PREFIGURER UNE ETUDE URBAINE
MERMOZ QUARTIER PRODUCTIF
Le temps de la résidence, le quartier Mermoz-Turfaudière devient un lieu de prospection et d’expérimentation. C’est alors une autre manière d’appréhender la ville et ses modèles de production en s’appuyant sur des propositions d’architecture « active » ainsi que sur un design implicatif: envisagée sous cet angle l’architecture est transposée à un outil de production d’imaginaires, où de nouvelles formes d’urbanités sont misent en oeuvre à partir de ressources locales et de procédés de coproduction.
La résidence offre donc à chacune de ses périodes, les conditions d’autres lectures d’un territoire, ainsi d’une réflexion prospective ancrée à la vision d’un urbanisme «in-situ», fondée tout autant sur les réalités des lieux, que sur un urbanisme «actif» producteur de vivre-ensemble et vecteur de culture.
Du 7 au 12 décembre 2015
À la rencontre d’un territoire
De la voiture qui de la gare nous remonte vers le centre ville d’Avranches, nous apercevons à travers la brume la lumière dorée du Mont-Saint-Michel posé au milieu de la baie immense, qui semble pour toujours tenir à distance de la mer et des vagues la ville dans laquelle nous allons passer 6 semaines.
La soirée à venir marque pour l’équipe YA+K le début de sa résidence d’architectes. Nous sommes attendus à l’Espace Mosaïque au beau milieu du quartier Turfaudière-Mermoz où nous rencontrons, tout en partageant quelques verres de cidre, les élus de la Ville, les partenaires de la résidence, ainsi qu’une quinzaine d’habitants, dont certains nous accompagnerons tout au long de notre séjour. Des architectes qui, d’entrée, annoncent qu’ils ne vont rien construire ici, cela, à l’évidence à de quoi attiser les regards et la curiosité… Tant mieux !
Date de réalisation : 2016
Lieu : Avranches (50)
Commanditaire : Territoires pionniers – Maison de l’Architecture de Normandie
Partenaires : Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Basse-Normandie, Ville d’Avranches, Communauté de Communes Avranches Mont-Saint-Michel, Caisse des dépôts et consignations, Commissariat général à l’égalité territoriale
- Réemploi 20%
- Participation 70%
Une lecture urbaine du quartier
Au fil des rencontres, des promenades à travers le territoire, des amitiés qui se lient, nous concluons cette première session par une réunion de suivi menée par Territoires pionniers, YA+K et un petit groupe de partenaires et d’acteurs de la résidence. Nous y présentons en guise d’ébauche du projet à venir notre lecture à la fois paysagère et culturelle du quartier, nos dérives urbaines levant le voile sur « des possibles », ainsi que sur nos toutes premières pistes de réflexion.
Le lendemain en quittant la Normandie pour Paris nous prenons soin en préambule à notre prochain séjour, de laisser émerger la question suivante: «Turfaudière-Mermoz, quartier productif ? »
Cette première analyse sera complété début 2016 par deux semaines d’action dans l’espace public. Les réalisations in-situ seront l’occasion de rendre visible la démarche tout en impliquant les acteurs et habitants du quartier dans un processus de réflexion concrétisée par l’action collective. Des ateliers seront organisés avec les différents acteurs locaux et habitants dans un pavillon co-construit par les membres de YA+K et les habitants. De nombreux événements viendront enclencher l’activation et l’appropriation des objets produits. Les résultats de la résidence nourriront l’étude urbaine ainsi programmée.
Du 11 au 23 janvier 2016
Tisser des liens, engager des pratiques
En décembre, nous avions laissé mûrir le fruit de nos rencontres avec les habitants, les représentants d’associations, ainsi qu’avec les services de la Ville et de la Communauté de Communes Avranches-Mont-Saint-Michel autour de la question : « Turfaudière-Mermoz, quartier productif ? »
Dès notre retour, les données statistiques se mêlent aux observations socio-économiques. Les murs de notre bureau se couvrent de photographies, de plans, de dessins. Le vécu des uns et les perceptions du quartier qui sont les nôtres se croisent : le jardinage, la cuisine, les savoir-faire et l’agriculture devenant des thèmes récurrents à mesure que nous poursuivons l’exploration du territoire.
Un modèle de résilience urbaine?
« Turfaudière-Mermoz quartier productif ? », la question devenait projet, sti- mulait les imaginaires, s’emparait des « possibles » envisagés lors de notre premier séjour. Et si nous faisions du quartier «un modèle de résilience urbaine » en choisissant de faire la part belle aux forces et aux ressources locales tout en multipliant les passerelles inter-génération en proposant par exemple la mise en place de services de proximité ?
Hé! nous sommes dans l’espace public
Comment présenter les nombreuses pistes et propositions que nous avions à l’esprit? comment en parler?. Il nous fallait un outil afin de marquer dans l’espace public notre présence. Repérés dès les premiers jours, nous voulions intervenir sur les nombreux murs pignons du quartier en y projetant des photographies, des dessins, des vidéos…
C’est alors que l’Orama a pointé le bout de ses esquisses. Combinaison d’un vélo et d’un chariot de supermarché, il interpellerait les habitants, traverserait en tous sens les rues du quartier, se poserait une soirée sur le terrain de boule ou proche de l’espace Saint-Jean, infusant nous n’en doutions pas, de l’imaginaire, déclenchant la curiosité, l’amusement et les discussions.
Construire l’Orama allait nous faire entrer dans les ateliers des services techniques d’Avranches créant ainsi un lien entre les membres de notre équipe, les agents de la ville et nos compétences respectives.
L’imaginaire agricole et potager prend corps
Invités aux vœux de David Nicolas, Maire d’Avranches, nous allons faire la connaissance de Stéphanie Maubé et d’Emmanuel Legrand, tous deux membres de l’association des Moutons Avranchins, dont la vocation est de promouvoir et de réintégrer cette race dans la région. Au sortir d’une soirée improvisée, ils vont s’avérer être des partenaires précieux du projet, tout comme l’association Les Incroyables Comestibles que nous rencontrerons le lendemain en même temps que les Permaboy’s un groupe de Jeunes Avranchinais souhaitant s’investir dans leur ville, avec déjà en tête plusieurs parcelles où ils pourraient déployer leurs compétences en permaculture.
Du 22 février au 13 mars 2016
La résidence, un outil, un prétexte à valoriser
Sur la Piste, un pavillon éphémère se déploie. Pensé comme une unité de production in situ d’objets, il nous semble pouvoir répondre aux besoins du quartier tout en révélant l’identité du territoire d’Avranches, à savoir une ville proche de la mer mais tournée vers la campagne, ancrée depuis toujours à celle-ci
Posé pour un temps au cœur du « quartier productif » l’occasion était toute trouvée de mettre en place bon nombre de chantiers avec les habitants rendant ainsi visible la démarche que nous avions élaborée. Les réflexions concrétisées par l’action collective invitant alors chacun à prendre part au processus d’appropriation des lieux.
Une journée au collège / serious but fun
Ce matin, scénario sous le bras rendez-vous au collège La Chaussonnière. Après une rapide présentation des intervenants, du travail du Collectif et des raisons de notre présence dans le quartier, la première des incitations a été de créer un lieu de travail inhabituel en utilisant les chaises, les tables et les divers matériaux présents dans les classes mises à notre disposition.
Travailler cette fois, pouvait donc, à la surprise de toutes et tous, être compatible avec s’amuser. L’espace ainsi échafaudé, il a donc été possible d’apporter des réponses aux questions : «Un quartier c’est quoi ?, Qu’est ce qu’un quartier idéal ?» et fort de ces constats nourrir en fin de journée la troisième incitation : «Voilà la Turfaudière !»
Les idées jaillissent, en tous sens, Les propositions fusent à grand coups de feutres, les arguments des uns venant parfois se frotter de manière très affirmée aux propositions des autres, mais sous nos yeux se dessine petit à petit un quartier, un avenir.
DES SAVOIR-FAIRE POUR UN FUTUR « PRODUCTIF »
Atelier ouvert
Chaque objet produit ici est singulier, porteur d’une histoire propre. Posé sur la Piste, au coeur du quartier, le Pavillon propose des ateliers, des activités de construction partagées. Ouvert il est un lieu de réflexions à l’occasion de repas pris en commun où nous préparons et dégustons des produits 100% locaux.
Puisque le Pavillon est maintenant opérationnel, que l’enclos qui accueillera les brebis est sur le point d’être terminé et que dans le même temps, à l’autre extrémité du quartier au centre Saint-Paul, l’APE (ateliers parents- enfants) anime un atelier de construction d’hôtels à insectes, une équipe de la Ville vide les bacs à sable pour que les Permaboys puissent transformer en lieu de jardinage ces espaces de jeu depuis longtemps abandonnés aux chats et aux chiens du quartier.
Pour le dernier jour de notre séjour normand, malgré le froid et jusqu’à la tombée de la nuit, habitants, acteurs locaux, élus, techniciens de la Ville et architectes, jeunes et moins jeunes se retrouvent autour du Pavillon, histoire de savourer une dernière fois ensemble de délicieux durüm préparés à base de produits locaux.
Tout au long de cette dernière semaine il aura été question d’inventer, de construire, d’aménager un futur « productif ». Tous et toutes nous ne souhaitons à cetinstant qu’une chose : que ce travail puisse se poursuivre après notre départ.
Une dernière réunion, plus «formelle» cette fois, marquera la fin de la résidence. Proche d’un bilan, habitants, élus, services de la ville, représentants d’associations, tous s’expriment sur leurs attendus initiaux ainsi que sur les réussites de la résidence. Alors que certains regrettent de n’avoir pas eu le temps de s’investir davantage, d’autres admettent la complexité de se saisir de cette opportunité. Ensemble nous avons au cours de cette dernière réunion disserté sur le format d’analyse et l’action menée sur un territoire. Comment intégrer les savoirs et connaissances des acteurs locaux? Comment impliquer les habitants dans la vie de leur quartier?
Les suites de la résidence (le maintien des éléments produits, leur entretien, le développement des actions initiées) restent à observer et à analyser au cœur d’une réflexion nécessairement collective. Quelques semaines après notre retour l’idée d’une publication afin de laisser trace verra le jour…